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  >  Culture et Patrimoine   >  Saint Marcel, saint patron de Paris méconnu
saint marcel paris je t'aime quand même notre dame

J’ai envie de revenir à mes premières amours : raconter des histoires sur Paris. Et aujourd’hui, je te propose de discutailler autour de saint Marcel. Parce qu’il bute des dragons, kiffe les femmes et a un prénom de t-shirt.

Je t’ai déjà parlé de sainte Geneviève ici, et même de saint Denis par là. Avec saint Marcel, ils forment le trio des saints patrons de Paris. En même temps, pour une ville aussi grande et importante, il faut bien plusieurs super-héros pour la protéger.

Mini Biographie de notre saint

Quand on fait la biographie d’un saint, on appelle cela une hagiographie. Hàgios en grec signifie « saint » et gràphein veut dire « écrire ». Sauf que les accents sur les « à » sont dans l’autre sens et que j’ai pas trouvé comment les restituer ici correctement 🙂

Et une hagiographie est exclusivement une biographie qui fait l’éloge de son sujet. Par exemple, on ne dit pas : « saint Marcel tapait ses petits copains à l’école », on dit plutôt : « saint Marcel faisait preuve d’une autorité somme toute incroyable pour son âge ». Et attention, ce n’est qu’un exemple issu du mon cerveau un peu zinzin. Parce qu’en vrai, on ne sait rien de l’enfance de Marcel.

On sait qu’il a accompli des miracles dès sa jeunesse, sans préciser à quel âge correspond cette « jeunesse ». Grâce à son hagiographe officiel, Venance Fortunat, on sait que saint Marcel est né à Paris, sur l’île de la Cité, dans une famille bien sous tout rapport. Il est gentil, altruiste, très pieux. Il est mort à Paris, en novembre 436. Entre temps, il a été le neuvième évêque de Paris, y a co-présidé le concile de 360, a ordonné le patronage de sainte Geneviève. Bref, il a eu une vie bien remplie le garçon. Puis il bouffe du dragon au petit déjeuner en prime. Un gars normal.

Les miracles de saint Marcel

Mais voilà, il ne suffit pas d’être gentil et présent à des conciles pour finir canonisé. Pour cela il faut accomplir des miracles au moins aussi badass que ceux de Geneviève et Denis. Et comme on l’appelle « saint » Marcel c’est forcément que tu connais déjà la fin de l’histoire donc je te laisse ici. Bisous.

Okay, okaaaay. C’est parti, voici donc les 3 miracles, les plus incroyables que saint Marcel ait accomplis à Paris. Je te passe les innombrables guérisons miraculeuses, hein. C’est la base de tout saint ça …

Marcel il fait la majorette avec des bâtons ardents

Le petit Marcel se fait déjà une sacrée réputation quand il accepte le défi d’un forgeron qui lui demande de déterminer le poids de la barre de fer qu’il est en train de travailler. L’histoire ne dit pas quel était l’objet de ce pari, mais clairement c’est Marcel qui a gagné. Comme le forgeron était en train de bosser sur cette barre, elle était chaude. Mais genre chaude-rouge-lave-tu-touches-t’as-plus-de-doigts. Et Marcel devait être pressé puisqu’il empoigna la barre, la soupesa, détermina le poids exact et s’arrêta là. A la fin, il avait ses 10 doigts, zéro brulure et le sourire en bonus, bon sang ! Mais on n’a pas le poids exact de la barre, j’suis dégoutée.

Et je ne vois pas comment expliquer scientifiquement ce miracle. Le Vatican a apparemment été d’accord avec moi puisque c’est un des miracles qui a permis la canonisation de saint Marcel et en a fait un des saints patrons de Paris.

Marcel il boit pas que de l’eau (rrooo celle là elle est limite, pardon Marcel)

Le second miracle attribué à saint Marcel est intéressant de bien des manières (selon moi et moi, libre à toi d’en avoir rien à fiche).

En gros, il change l’eau en vin. Oui, comme Djésuss ! Lors d’une messe, probablement donnée sur l’île de la Cité, Marcel prend de l’eau de la Seine et la donne à l’évêque Prudence pour qu’il puisse se nettoyer les mains avec. Parce que les gestes barrière t’sais. J’aurais pas choisi l’eau de la Seine, perso… Mais l’eau se change en vin et l’évêque s’en sert pour la messe. J’imagine les regards des gens et ce qu’ils ont dû ressentir.

Selon Venance Fortunat, Marcel était encore enfant quand il accomplit ce miracle, de même pour le miracle de la barre incandescente. C’est pourtant des années plus tard, une fois évêque, qu’il va finir par coiffer au poteau tous les candidats à la canonisation.

Marcel il bute des dragons en plein miracle morning

Tu connais le miracle morning ? C’est une technique de développement personnel où on se lève super tôt, genre vers 5h du matin pour accomplir tout un tas de tâches ou de passions qu’on ne parvient pas à faire autrement. On peut lire, faire du sport, regarder le soleil se lever et tuer des dragons. Entre autres. Clairement le mec qui a propagé le miracle morning doit vivre dans un pays chaud ou sur une planète où le soleil est levé à 04h30 toute l’année. Réponse ici si tu es du genre curieux.

Il y a 1500 ans et des brouettes, Marcel se levait donc très tôt. Vois-le comme étant le protecteur des plus fragiles. Il avait énormément de choses à faire en tant qu’évêque et il possédait toutes les vertus que son rang nécessitait. Il s’occupait des plus démunis mais aussi, et ça c’est beau, de ceux que l’Église rejetait. Et pour cumuler toutes ces activités, il se levait tôt, notamment pour faire des trucs pas très … catholiques … Et non, je ne parle pas de galipettes, je parle littéralement d’actions interdites par le Catholicisme. On dit que saint Valentin célébrait des mariages interdits, et bien saint Marcel lui, célébrait des funérailles interdites. Et c’est qui-qui qu’on n’a pas le droit d’enterrer en terre consacrée ? Et bien c’est simple : beaucoup trop de gens à mon goût !

Marcel part donc célébrer un enterrement interdit, au petit matin

Mais Marcel, lui, s’intéressait particulièrement aux femmes détournées du droit chemin et lors de son miracle, il était en train d’enterrer une femme de « mauvaise vie ». J’ai croisé plusieurs versions de la « mauvaise vie » de cette pauvre dame dont la dépouille mortelle fut refusée en terre consacrée : soit elle trompait son mari, soit elle prostituait son corps. Mais saint Marcel s’en fout, elle méritait quand même d’être enterrée dignement même si c’est pas sur une terre appartenant à l’Eglise.

Très tôt le matin, donc, il s’éloigne du centre de Paris, avec un petit groupe de gens et le corps de la dame, en longeant la Bièvre. La Bièvre, c’est un bras de la Seine, aujourd’hui disparu dans Paris. Il a été recouvert parce qu’on le suspectait de draguer des miasmes. J’en reparlerai un jour de la Bièvre, son histoire est super intéressante ! BREF !

Le groupe parvient à un emplacement « cool » pour procéder aux funérailles et à l’enterrement : facile à creuser, difficile à repérer. ET là, on raconte qu’un dragon, déjà connu des Parisiens, se ramène et terrorise le petit groupe qui se disperse. Mais Marcel, bien déterminé à mener à bien son action, ne bouge pas. D’autant plus que le dragon s’intéresse plus au cadavre de la dame qu’il s’apprête à … dévorer ! En tant qu’évêque, Marcel n’officie jamais sans sa crosse, il brandit cette dernière et frappe le dragon sur la tête trois fois (la sainte Trinité, t’as vu).

Comme toujours, j’imagine volontiers qu’il le frappe comme avec une batte de base-ball et qu’il fait des p’tits bonds en l’air comme dans Shaolin Soccer en poussant des cris à la Bruce Lee. Peut-être hein ? Mais d’après les différentes versions, cela semble plutôt être un moment d’une dignité absolue : Marcel ne bouge rien de son digne corps à part ses mains, et pouf, pouf, pouf, je te baptise et toi le dragon, suppositoire de Satan que tu es, tu meurs parce que le Bien l’emporte toujours sur le Mal et cheh.

Un dragon à Paris ?

J’aime, je dirais même plus, j’adoooore, décortiquer les légendes. Parce qu’on dit bien que les légendes reposent sur un fond de vérité. Dans le cas du miracle le plus important de saint Marcel, où se cache ce fond de vérité ?

On va faire simple : la religion chrétienne compte de nombreuses légendes de saints sauroctones (du grec saûros : « lézard » et ctonos : tueur, donc littéralement « tueur de lézards ». Et non, si tu as coupé la queue des lézards de ton enfance, tu n’es pas un sauroctone mais un sociopathe).

Systématiquement, le premier niveau de lecture de ces légendes c’est le manichéisme premier : la Lutte du Bien contre le Mal, le dragon effrayant représentant le Diable. C’est plus frappant dans les légendes de saint Michel ou de saint Georges parce qu’il y a du gros combat, des armures, des armes tranchantes et du sang. Yummy ! Un autre évêque y est allé « gentiment » avec son dragon : saint Clément de Metz. Et si je le cite ici, malgré son absence de lien avec Paris, c’est parce que dans sa légende, le dragon a un nom : Graouilly. Et je trouve que c’est trop mignon comme nom de dragon.

Mais on peut trouver un deuxième sens de lecture : et s’il y avait vraiment eu un dragon à Paris ? Imagine un instant, Paris il y a 1500 ans : elle était bien plus petite qu’aujourd’hui et n’était pas entourée de la banlieue. C’était une petite ville entourée de campagne. Et qui dit campagne, dit vie sauvage ! Il y a eu plusieurs théories sur le « dragon » de Paris et de saint Marcel : il aurait pu être en fait un loup, un ours, un chien, un truc avec des dents qui luisent dans le noir, quoi.

Mais ma version préférée, c’est celle du serpent géant.

Ouuuiii ! Un serpent géant ! Bien évidemment, les cours d’eaux français ne sont pas réputés pour leurs anacondas et autres boas constrictor. Mais des serpents de deux mètres, c’est tout à fait faisable ! Alors, imagine (ou viens dans ma tête, on te trouvera une petite place) un serpent en train de digérer un humain : le tour de taille de la bête est tout de suite bien plus impressionnant ! Dans l’imaginaire emprunt d’images religieuses du bien et du mal du Parisien, un serpent en pleine digestion ou même un serpent de plus de deux mètres pourraient tout à faire correspondre à l’idée qu’on se faisait d’un dragon.

Bien évidemment, les délires de digestion (et c’est cadeau, l’idée de l’humain qui tente de sortir avec les mains qui transpercent la peau de reptile : et pouf le dragon a des pattes) c’est signé moi hein … On aurait jamais trouvé une idée aussi dégueu dans quelque hagiographie que ce soit. Quoique …

Pour finir, quelques repères iconographiques

Comment reconnaître saint Marcel, le troisième saint patron de Paris, lors de tes promenades parisiennes ?

C’est bien simple : faut chercher un évêque et un dragon ! L’évêque est représenté avec :

  • une livrée (son costume long),
  • une crosse (qui rappelle le bâton des bergers, symbole de sa fonction de pasteur)
  • et une mitre (sa coiffe).
  • Parfois, l’évêque est représenté en train d’effectuer le geste de la bénédiction (index et majeur levés serrés).

Si tu vois une statue correspondant à cette description, mais avec un problème de tête : c’est saint Denis. Si tu trouves un dragon ou un serpent (c’est comme un bébé dragon du coup) : c’est saint Marcel ! Got it ? Si c’est juste un évêque, parfois y a le nom en dessous.

Je te laisse ici, comme souvent, avec une galerie d’images représentant saint Marcel ou ayant un lien avec lui. J’espère que cet article t’a plu, et si c’est le cas, laisse-moi un commentaire ci-dessous et partage-le sur tes réseaux !

A la revoyure !


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Comments:

  • 22 février 2021

    Article très intéressant, merci ! Je connaissais Sainte Geneviève et Saint Denis, mais pas Saint Marcel. Donc j’ai tout appris ! Sinon le nom du dragon messin (Metz est ma ville d’origine) est Graoully…. je n’avais jamais vu écrit avec un i en plus. Je suis impatiente de lire l’article sur la Bièvre, j’en ai beaucoup entendu parler autour de chez moi (Hauts-de-Seine)…

    reply...
  • Mado

    19 février 2021

    On apprend plein de mots pour le scrabble en plus !

    reply...
  • Yannick

    18 février 2021

    Super histoire! Merci Marion!

    reply...

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